- PLANISME
- PLANISMEPLANISMEMouvement qui s’inscrit dans un courant de pensée diffus, prenant sa source et étendant ses ramifications dans des partis, syndicats et groupes de pression diversement situés sur l’échiquier politique, le planisme fut un des éléments idéologiques de l’accession au pouvoir des technocrates dans la France des années trente. La Première Guerre mondiale avait accéléré la prise de conscience d’une classe naissante de techniciens qui, le climat de crise aidant, en vint à se poser dans un sens personnel la question de l’autorité et du pouvoir. La réflexion sur les balbutiements du capitalisme d’État suscité par les circonstances aboutit à des plans d’organisation globale de l’économie «dans la ligne du pseudo-socialisme de guerre». Des syndicalistes de la C.G.T. et les jeunes socialistes soucieux d’efficacité œuvrèrent dans le même sens: ce fut la naissance du courant planiste en 1933. Le planisme échoua auprès de la S.F.I.O., Léon Blum et Paul Faure restant sourds aux arguments des «néo- socialistes». Les planistes de la C.G.T. réussirent à faire adopter un plan lors du congrès de 1935. Succès sans lendemain, car ils ne sauront l’imposer comme programme au rassemblement populaire; malgré le vote favorable du congrès de Toulouse de la C.G.T. réunifiée en 1936, le plan ne joua plus guère qu’un rôle pédagogique. Par contre, l’influence de la doctrine planiste ne cessa de se faire sentir: en septembre 1934, une première conférence internationale des plans est réunie à l’abbaye de Pontigny; des militants belges (dont le socialiste Henri de Man), suisses, italiens et français (dont les cégétistes Belin et Lacoste) y élaborent les «thèses de Pontigny», partiellement inspirées des principes autoritaires et corporatistes. En décembre 1934, Henri de Man tient une réunion à Paris avec Belin, Lefranc, Vallon (Groupe dit du 9 juillet) et Déat; il met l’accent sur sa formule de l’«État fort» en précisant que «ce n’est plus par la révolution qu’on peut arriver au pouvoir, c’est par le pouvoir qu’on peut arriver à la révolution». Jusqu’en 1938 se succèdent conférences et journées d’études à Genève et à Pontigny. Inspirées aussi par les planistes, des Semaines d’éducation ouvrières sont organisées chaque été par l’Institut supérieur ouvrier de la C.G.T. L’échec du Front populaire devait être considéré par les planistes comme la conséquence directe du refus de tenir compte de leurs avertissements et suggestions; l’audience du planisme s’en trouva élargie au sein du syndicalisme ex-confédéré et des tendances minoritaires de la S.F.I.O. À partir de 1937, l’évolution vers un dirigisme autoritaire du planisme va au-devant du mouvement parallèle amorcé dans les milieux éclairés du patronat, favorables au «plan du 9 juillet». Ce plan, né de la tentative de rapprochement des meilleurs éléments des ligues et de la jeune gauche, réunis sous l’égide de Jules Romains pour éviter la guerre civile et étudier une constitution moderne, eut comme rédacteurs principaux Philippe Boegner, Alfred Fabre-Luce, P. O. Lapie, Bertrand de Maud’huy, Paul Marion, Louis Vallon et Jean Coutrot. Ce dernier, polytechnicien et infatigable brasseur de théories, avait fondé en 1932 le cercle d’études X-Crise, laboratoire de l’intelligence au service du patronat. Ses idées-forces: renforcement de l’exécutif, limitation du pouvoir du Parlement, création d’un Conseil national économique et d’un ministère unique de l’économie nationale, seront appliquées par la IVe et la Ve République. Fidèle à l’esprit du plan, X-Crise s’élargit en 1936 et devient X-Information, cercle ouvert aux chefs d’entreprise, aux hauts fonctionnaires et aux syndicalistes. On y approfondit les idées de Dimitri Navachine sur le pouvoir financier et monétaire; des débats s’y instaurent entre des patrons technocrates, comme Ernest Mercier et Auguste Detœuf, et les syndicalistes Belin et Lacoste. Le rapprochement, sinon l’accord, se fit sur l’abandon de la doctrine de la lutte de classes par un syndicalisme «positif», constructif et soucieux de la défense nationale, que Detœuf souhaitait «unique, obligatoire et apolitique dans le cadre d’un gouvernement fort». À la fin de 1938, les débats idéologiques des planistes sur le dirigisme furent relégués au second plan par la question de la défense de la paix. La défaite, l’écroulement de la IIIe République et l’instauration sur une base autoritaire de l’État français favorisèrent les desseins des technocrates et donnèrent aux thèses planistes une audience inespérée. Belin se rallie au maréchal Pétain, dont il devient le ministre du Travail. À ce titre, il prend contact avec tous les syndicats afin de les contraindre à la fusion. En vain. La mise en place des premiers comités d’organisation professionnelle s’inscrit bien dans la ligne de la doctrine planiste, mais c’est un échec: ils ne remplissent pas leur rôle de tutelle de la profession et ne peuvent, faute d’interlocuteurs, obtenir une participation syndicale significative. Quant à leur fonction de coordination de l’activité économique et de lien obligé entre l’unité de production et les organes d’État, elle reste toute théorique. Il en est de même de la Charte du travail; ce manifeste économico-social du régime de Vichy représente le couronnement du compromis pour la restructuration du syndicalisme; il est aussi la dernière entreprise de Belin, qui se démettait de ses fonctions peu après sa publication.• 1935; de 2. plan♦ Écon. Théorie des partisans de la planification.planismen. m. Planisme familial: V. planning.⇒PLANISME, subst. masc.ÉCON. POL. Tendance à la planification; doctrine correspondant à cette tendance. De même qu'il n'y a pas d'industrie sans plan d'industriel, de même il ne peut y avoir d'industrialisme sans planisme (THIBAUDET, Hist. litt. fr., 1936, p.98). Ceux qui pensent être plus réalistes en construisant un «planisme concurrentiel» (PERROUX, Écon. XXes., 1964, p.310). Ni le laisser-faire intégral ni le planisme absolu ne sont appliqués nulle part à l'état pur, et les deux politiques se rencontrent sûrement sur plus d'un point dans la pratique (Traité sociol., 1967, p.287).Prononc.:[
]. Étymol. et Hist. 1935 (P. GRUNEBAUM BALLIN, Le Planisme au seizième siècle: l'Ile d'Utopie [...] par Thomas More [titre] ds QUEM. DDL t.26); 1936 (THIBAUDET, loc. cit.). Dér. de plan3; suff. -isme.
DÉR. Planiste, subst. Partisan du planisme, de la planification. Nous ne prétendons pas donner une solution décisive après l'échec de ce qu'ont proposé tant de planistes (WILBOIS, Comment fonct. entr., 1941, p.60). — [planist]. — 1re attest. 1941 id.; de planisme, par substitution de suff. (-iste).BBG. —QUEM. DDL t.7; 9 (s.v. planiste).planisme [planism] n. m.❖♦ Écon. Théorie des partisans de la planification.0 De son côté, le planisme cherchait à « dépasser » le marxisme et affirmait la possibilité de créer entre la dictature communiste et le capitalisme libéral devenu anarchique (« le renard libre dans le poulailler libre ») un système planifié, dirigé, qui fût capable de maîtriser, par l'intelligence humaine, les crises cycliques de plus en plus graves de l'économie.Raymond Abellio, Ma dernière mémoire, t. II, p. 55.♦ Planisme familial (recomm. off. pour planning familial).
Encyclopédie Universelle. 2012.